lundi 19 janvier 2009

Les Emirats, prochain Eldorado du sport-business?

La lutte de prestige entre rois et émirs s'exporte dans l'univers du sport.

C'est à une drôle de guerre économique que se livrent l'Arabie Saoudite et ses émirats voisins depuis plusieurs années : alors que la famille royale saoudienne a la tutelle sur la ville sainte de la Mecque, une rente politique et économique pour le moins durable, Dubai, Abou-Dhabi et le Qatar bâtissent des modèles de développement assez originaux. Dubai construit une capitale mondiale du bling-bling, le Qatar un îlot de libéralisme politico-médiatique, et Abou-Dhabi une ville placée sous le signe des savoirs et de la culture. Mais bien sûr, cette lutte de prestige entre rois et émirs s'exporte dans l'univers du sport, avec des modèles, dans ce domaine, eux aussi assez différents.

Le Qatar d'abord. Capitale : Doha. L'Etat connu pour financer, entre autres, la chaîne d'infos Al-Jazeera, ne cache pas ses ambitions politiques : être le premier Etat arabe à organiser les Jeux Olympiques. Et pour parvenir à ses fins, le cheikh Hamad bin Khalifa Al Thani a misé sur un modèle de développement qu'on qualifiera de « relativement endogène » : « endogène », car il s'agit de développer les capacités sportives locales... mais « relativement », car, comme dans d'autres secteurs dans cette région du monde, le développement sportif qatari s'appuie quasi exclusivement sur une main d'oeuvre qualifiée étrangère. Dans les années 90, le Qatar a ainsi essayé de valoriser son championnat de foot en offrant des retraites dorés aux anciennes gloires européennes et latino-américaines (Desailly, Leboeuf, Batistuta etc). Semi-échec : les clubs qataris n'attirent en réalité que les parias du foot européen. La stratégie qatarie, ambitieuse, visait aussi à naturaliser des sportifs étrangers de haut niveau qui, pour une raison x ou y, n'étaient plus en odeur de sainteté avec leur fédération nationale. Dans le foot, Doha a ainsi cherché à bâtir une équipe nationale en proposant la nationalité qatarie à des footballeurs étrangers qui restaient aux portes de leur sélection nationale. Projet avorté en raison de l'opposition de la FIFA. Mais en athlétisme, cette politique a eu plus de succès : plusieurs athlètes kenyans ont ainsi déjà couru sous les couleurs qataries, à prix d'or. Et le Qatar, même s'il a fait chou blanc à Pékin, a gagné plusieurs médailles dans les Championnats du monde d'athlétisme.

A Dubai, c'est à l'éclosion d'un autre modèle qu'on assiste : un projet immobilier mégalo, dénommé Dubai City Sports, avec appartements de luxe et infrastructures sportives accueillant des matchs de gala (un stade, un gymnase, un terrain de cricket et un terrain de hockey sur gazon). Cricket et hockey sur gazon ? On dirait que le public ciblé par ce resort est la bourgeoisie indo-pakistanaise... Mais ce modèle de développement du sport-spectacle est mal barré : avec la crise immobilière, peu de chances que les appartements de Dubai continuent à se vendre à prix d'or...

Abou Dhabi, de son côté, est plus prudente. Là-bas, on se la joue simple et classique : recycler les pétrodollars dans des équipes sportives européennes qui ont fait leur preuve. La prise de contrôle de Manchester City par Cheikh Mansour bin Zayed Al Nahyan, le frère du chef de l'Etat, a certes heurté les consciences britanniques. Le Labour s'en est même ému. D'autant plus que City n'hésite pas à déstabiliser ses adversaires en annonçant des transferts hors du commun pendant le mercato (Kaka, David Villa). Mais, à ce jour, aucune mesure politique n'a été adoptée Outre-Manche pour restreindre la prise de contrôle de grands clubs par des fonds du Golfe Persique...

C'est dans ce contexte qu'on apprend que Roman Abramovich, le milliardaire russe propriétaire de Chelsea, cherche à vendre le club à la famille royale saoudienne... Car encore une fois, la dynastie Al Saoud est à la traîne. Et elle se rend certainement compte qu'elle est train de passer à côté de quelques juteuses affaires... Alors, pour taper fort, Riyad lorgne du côté des Blues.

La vente de Chelsea aura-t-elle lieu? Peut-être pas dans les semaines à venir... Mais il est probable que, faute d'une politique nationale de contrôle des clubs, plusieurs équipes de Premier League tomberont bientôt dans le giron des émirs du pétrole, les seuls, à l'heure actuelle, capables de reprendre un joujou comme Chelsea estimé à 890 millions d'euros! Le temps des oligarques russe semble révolu!

Les pays du Golfe se positionnent donc petit à petit comme des acteurs financiers de premier plan du sport professionnel. Sans athlètes nationaux ou presque. Mais rassurez-vous, la France a un atout de poids : le fils du président, Louis Sarkozy, qui vit avec sa maman à Dubai. Allez Cécilia, il est temps d'inscrire Louis à une école de foot de Dubai! Avec un peu de chance, et l'ambition de son père, il fera peut-être carrière dans les Emirats, prochain Eldorado du sport-business.

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