vendredi 18 décembre 2009

AlterSport vendu au diable?

Quelle ironie du sort tout de même, voilà qu'une commerciale travaillant pour un sous-traitant de Betwin, le mastodonte des paris sportifs en ligne, m'a proposé par e-mail de mettre un petit texte de pub sur altersport.blogspot.com. Ca me rapporterait tout de même 25 € par mois, payés par Paypal. Il faudrait que je m'engage pour un an...

Marrant non? Moi qui passe mon temps à longueur de posts à casser du sucre sur la récente légalisation par Eric Woerth des sites de paris sportifs en ligne...

Eh bien il faut croire que cette commerciale de chez Betwin n'a pas bien lu mes précédents articles. Alors je le répète encore une fois. Les sites de paris sportifs sont une plaie, ils constituent un vecteur essentiel de la triche et de la corruption du foot européen et ils risquent de faire plonger dans l'addiction des milliers de fans du foot. Je vous recommande d'ailleurs la lecture d'une jolie tribune parue récemment à ce sujet dans Libé.

Et surtout, ce qui me sidère le plus, c'est que Betwin puisse se permettre de me proposer 25 € mensuels pour une bannière sur mon site Internet, alors qu'il n'est lu que par une poignée d'amis (je le sais, je regarde avec désespoir les statistiques de fréquentation de temps à autre). Cette gabegie publicitaire vous donne une idée du volume global dont dispose cette major du jeu pour la promotion de ses activités de jeux...

Alors qu'en pensez-vous? Est-ce que je dois accepter leur proposition? Est-ce qu'AlterSport peut être financé par l'un de ses pires ennemis?
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samedi 5 décembre 2009

Tobin or not Tobin

L'UNESCO propose de lever une mini-taxe sur les ligues et la FIFA pour financer l'éducation pour tous. C'est bien. Une véritable taxe Tobin sur les transferts, ce serait encore mieux.

La cérémonie du tirage au sort a donné le ton : la prochaine coupe du Monde promet d'être un délire ultra-sécurisé de paillettes et de sponsors. On sera pourtant dans l'un des pays les plus inégalitaires du monde, l'Afrique du Sud, et on fera tout pour cacher la misère sociale dans les townships périurbains ou les villages isolés du pays. Le contraste est flagrant.

La Coupe du Monde est une occasion en or pour demander aux richissimes instances du foot, FIFA et UEFA en tête, de contibuer un peu à la solidarité internationale, en particulier en direction du continent africain.

C'est l'UNESCO qui a tiré la première : elle demande l'instauration d'une taxe de 0,4% sur les recettes publicitaires que collectent la FIFA et les 5 principales ligues nationales de foot (Angleterre, Italie, Espagne, Allemagne, France). Les revenus de ce nouvel impôt seraient destinés à renforcer l'éducation en Afrique. Il rapporterait quelque 48 millions de dollars par an.

La Fifa fait un peu la gueule. Là il s'agit de payer, de passer aux actes. Fini pour la FIFA le temps où elle se contentait d'amuser la galerie avec la campagne One Goal, une espèce de tour d'honneur de stars du foot et show biz en faveur de l'éducation pour tous. La Premier League n'est pas plus emballée... Mais je sens qu'il y en a un qui va saisir la balle au bond, c'est notre Frédo Thiriez national. Ca ne métonnerait pas que l'avocat de la Ligue 1 nous livre un discours enflammé sur les rapports Nord-Sud, et qu'en contrepartie de son engagement à adopter la taxe UNESCO, il en appelle à nouveau à alléger les charges fiscales sur les joueurs de foot évoluant en France. Bref, la taxe UNESCO passera en France, mais la Ligue en profitera pour exiger un rétropédalage sur le Droit à l'Image Collectif (DIC), cette niche fiscale pour footballeurs millionnaires supprimée à fort juste titre il y a quelques semaines. Ce serait un comble, mais c'est un scénario plausible.

Pourtant l'UNESCO met les formes, elle minimise, elle parle de prélèvement(«levy») et pas de taxe, comme si ce terme était honteux... Dans l'idée de l'organisation onusienne, il s'agit de financer l'un des 8 Objectifs du Millénaire pour le Développement (la scolarisation universelle en 2015) et non pas de réguler le foot. C'est ce qu'on appelle un financement innovant, à l'image de la taxe sur les billets d'avion qui permet aujourd'hui d'acheter des médicaments contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Dans le milieu de la solidarité internationale, une autre idée, proche de celle de l'UNESCO, est en train de faire son bonhomme de chemin : une taxe sur les transactions financières. Dans l'un comme dans l'autre cas, il s'agit de taux de prélèvement minimes (0,4% des recettes pour la taxe UNESCO/FIFA, 0,005% des transactions financières pour la taxe proposée par Kouchner), bref d'une imposition relativement indolore. On est loin de l'idée de la fameuse taxe Tobin qui a elle pour objectif de dissuader la spéculation par des taux d'imposition élevés. Dans le cas des projets UNESCO et Kouchner, on est dans la charité, pas encore dans la régulation.

Pourtant, on le sait et on le répète, le foot mondial est une bulle spéculative qui a résisté à la crise financière. 94 millions d'euros pour le transfert de Christiano Ronaldo au Real, avec à la clé un endettement intenable pour le club madrilène, si ça ça n'est pas de la spéculation, c'est que je n'y comprends plus rien. Mais de taxe Tobin sur les transferts, personne n'en parle. Elle est pourtant souhaitable et faisable : on pourrait envisager que la plus-value sur la revente d'un joueur soit lourdement taxée au moyen d'un impôt à taux progressif. Ce serait dissuasif et régulateur. C'est d'autant plus faisable que le marché des transferts, a défaut d'être transparent, est très visible. L'évasion fiscale serait difficile.

La lutte contre la pauvreté a besoin de financements innovants. Le projet UNESCO proposé à la FIFA s'inscrit dans ce cadre. Très bien. Mais la régulation du foot business, elle, passe par des politiques fiscales et salariales plus dures : le plafonnement des salaires (salary cap) d'abord, régulièrement évoqué, jamais appliqué ; le maintien d'une fiscalité nationale de droit commun sur les salaires des sportifs (=pas d'exemptions fiscales pour les joueurs de foot au prétexte qu'ils seraient des artistes d'exception ou je ne sais trop quoi) ; et une taxation lourde des excès du mercato, au moyen d'une sorte de taxe Tobin sur les plus-values générées par les transferts de joueurs.

Je rêve, je sais, je ne me nomme pas AlterSport pour rien.
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