lundi 30 mars 2009

ADAMS, le grand frère d'EDVIGE?

La fronde des sportifs contre le système de géolocalisation et d'enregistrement de données médicales est exagérée.

C'est la phrase de ce mois de mars, parue dans So Foot, et elle est bien sûr signée Bernard Laporte, le gaffeur en série : «Je ne peux l’affirmer avec une certitude absolue, mais je suis convaincu qu’il n’y a pas de dopage dans le football». Quelques jours après cette pensée fulgurante, l'Agence Française de Lutte contre le Dopage révélait que la DHEA fait des ravages en Ligue 1 : 7 joueurs pro du championnat français, sur 32 ayant subi un prélévement, ont présenté un historique de DHEA dans leurs cheveux!

Cela n'empêche pas Sepp Blatter, le patron de la FIFA, et Michel Platini, celui de l'UEFA, de s'en prendre à leur tour, après Rafael Nadal ou Michael Ballack, au fameux logiciel ADAMS. Mis en place par l'Agence Mondiale Antidopage (AMA), ce système de localisation des athlètes et de suivi de leur dossier médical fournit les informations de base de leur «passeport biologique». On imagine l'angoisse de Platini et Blatter. Le foot n'a jamais vraiment connu de contrôles anti-dopage... On sait par exemple que Zidane, après son coup de boule légendaire, a été exempté de pipi dans le flacon, alors que le règlement de la Coupe du Monde stipule que tout joueur expulsé devrait être soumis à un contrôle anti-dopage! La FIFA est donc pour le moins laxiste... Alors passer directement au passeport biologique constituerait pour le monde du ballon rond un saut technologique qui risque d'y faire pas mal de dégats!

ADAMS fait peur... Fait-il peur parce qu'il risque enfin de frapper un grand coup contre le cancer du dopage? Ou fait-il peur parce qu'il constitue en effet une atteinte aux libertés publiques, dans la lignée du fichier EDVIGE? Pour y répondre, passons en revue trois critères : la localisation, l'accès aux données et la nature des données.

Localisation
C'est la principale critique des détracteurs d'ADAMS : l'obligation pour chaque athlète de donner sa localisation quotidienne serait une gigantesque contrainte et une atteinte à la liberté de se déplacer, un peu comme un bracelet électronique. Une contrainte, car ce n'est pas toujours facile de savoir où on sera la semaine prochaine ou même demain. Même si les troisième mi-temps ne sont plus ce qu'elles étaient, il est difficile pour un rugbyman de dire à l'avance dans quel endroit (et dans quel état) il se trouvera un lendemain de match! Et puis on peut comprendre que tel ou tel champion people flippe à l'idée de transmettre à ADAMS, via Internet, sa localisation de l'été prochain... une fuite et hop, les paparazzi seront là pour l'accueillir! Et pour le golfeur (ou la judoka) qui trompe sa femme (ou son mari) et passe tous ses jeudis chez sa maitresse (ou son amant) et non pas au practice (ou sur le tatami), ADAMS est une catastrophe conjugale! Alors, Atteinte aux libertés? Peut-être... Mais comme le dit Tia Hellebaut, championne olympique de saut en hauteur (citée dans Libération) : «Au même titre qu’un employé est censé être à son bureau pendant certaines heures, je considère que cette disposition fait partie de mon boulot». Il s'agit simplement de pointer, en quelque sorte. Et juste une heure par jour. Les 23 autres heures, les sportifs sont libres de se déplacer comme bon leur semble. Bref, un prix à payer assez modeste qui permet d'effectuer les fameux contrôles inopinés hors compétition, seuls garants d'un suivi objectif des paramètres biologiques de l'athlète.

Accès aux données
Les données publiées sur ADAMS, via Internet, sont essentiellement des auto-déclarations: déclaration par les athlètes de leur emploi du temps, déclaration par leurs médecins des traitements administrés, publication par les membres de l'AMA des examens médicaux pratiqués en et hors compétition. Ici, l'athlète a en permanence accès à son dossier ADAMS. Rien à voir ici avec EDVIGE, où des données pouvaient être collectées sur les citoyens à leur insu! Bien entendu, l'AMA insiste sur le fait que ces informations ne seront partagées que par un nombre restreint de personnes autorisées : les athlètes et leur staff, les responsables des fédérations sportives, les agents de l'AMA... Espérons simplement que l'accès sera suffisamment sécurisé pour dissuader des hackers de le pirater...

Nature des données
Les seules données confidentielles qu'ADAMS collecte sont d'ordre médical. Mais les détracteurs de la lutte anti-dopage continuent à s'abriter derrière la sacro-sainte défense du secret médical... ADAMS, selon eux, laisserait la possibilité de divulguer des informations médicales confidentielles : telle patineuse artistique a subi une IVG l'année dernière, c'est intéressant... et tel basketteur est sous anti-dépresseur depuis 3 mois, la presse people va raffoler de cette information! Mais là encore on peut espérer de l'AMA qu'elle blinde le coffre-fort de ces informations. La crédibilité du projet ADAMS, et son acceptation par les sportifs, passeront par la protection du secret médical. Un secret médical partagé par un plus grand nombre, certes, mais un secret médical qui demeure un secret... Alors qu'EDVIGE entendait synthétiser l'ensemble des données confidentielles concernant un suspect, jusqu'à son orientation sexuelle présumée et ses engagements politiques, ADAMS, lui, s'en tient à l'essentiel : des données médicales objectives et sécurisées.

Alors non, ADAMS n'est pas le grand frère (ou big brother) d'EDVIGE. La fonction de géolocalisation des athlètes est certes très avancée, mais on ne va tout de même pas appeler Amnesty International en urgence pour cela, non? En fait, le principal défaut d'ADAMS, c'est son manque d'ambition : le système ne s'applique qu'aux stars du sport mondial. En Ligue 1, seuls les capitaines des clubs y seront soumis. La grande masse des sportifs de haut niveau, les espoirs, les seconds couteaux, échapperont à ADAMS, faute de moyens.

ADAMS, en définitive, c'est une nouvelle forme de reconnaissance sportive : seule l'élite y a accès. Si j'étais sportif de haut niveau et qu'ADAMS ne s'intéressait pas à moi, je serais triste, comme si j'avais échoué au pied d'un podium. Alors Nadal et Ballack, au lieu de râler, vous pourriez être fiers qu'ADAMS soit votre nouvel ami!

PS : pour tout savoir sur le dopage, je vous conseille l'excellent site dopage.com

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dimanche 22 mars 2009

Back in the game, contre la pensée unique

Bon il est vrai que je me suis un peu absenté de la blogosphère ces dernières semaines... C'est la faute au beau temps... Je passe plus de temps à trainer dehors, à faire du sport, qu'à le commenter... Et en plus, j'ai accès à toutes les chaines du groupe Canal Plus depuis quelques jours, alors je reste un peu scotché devant la télé quand je suis à la maison...

Et justement, l'autre jeudi j'ai regardé les spécialistes europe sur Canal+Sport. C'est une espèce de On refait le match entre techniciens du foot. Le débat portait sur la compétitivité des clubs de foot français. Avec 6 invités de marque : Eric Besson (Ministre de l'Immigration et auteur d'un rapport sur le sujet sus-cité, étrange double casquette), Philippe Séguin (Président de la Cour des Comptes et auteur d'un rapport sur la modernisation des stades de foot en France, étrange double casquette), Didier Deschamps (entraineur SDF), Pape Diouf (Président délégué de l'OM, autodésigné Barack Obama du foot français, sic), Jean-Michel Aulas (Président de l'OL, incontournable Calimero), et Gérard Houiller (placardisé au poste de Directeur technique national).

Autant dire que le débat était couru d'avance : "le foot français n'est pas compétitif parce qu'il manque d'argent, parce qu'il est victime d'une fiscalité étouffante, parce qu'il ne permet pas la construction de stades privés avec des fonds publics, parce qu'on donne trop à la Ligue 2 et pas assez aux clubs d'élite, blah blah blah". Ils s'en sont tous donnés à coeur joie. Sans la moindre once de débat contradictoire. Aucune mention du plafonnement des salaires des joueurs, rien sur le 6+5, le transfert des joueurs mineurs ou l'équité sportive (corrigez moi si j'ai faux ici, j'ai loupé le tout début de l'émission...). Rien non plus sur le fait que les vraies victimes du foot business européen, ce ne sont pas les clubs français, mais les clubs d'Europe du Nord et d'Europe centrale.

Seul Gérard Houiller a eu l'audace de remarquer que c'est d'abord sur le plan mental (la culture de la gagne) et sur le plan tactique (la culture de l'attaque) que les clubs français ont à travailler pour être au niveau de leurs homologues anglais ou espagnols. Mais comme il n'a aucune autorité, personne n'a vraiment relevé...

Encore un bel exemple du manque de professionnalisme des journalistes de Canal Plus, qui se sont livrés là à un véritable exercice de propagande. Prêchant pour leur paroisse du sport-spectacle, ils n'ont pas daigné invité un acteur du football donnant un son de cloche un tout petit peu dissonant!

Bref, ça m'a bien énervé, cette pensée unique. Alors me revoilà, plus saignant que jamais (cette fameuse culture de la gagne). Attention les gars (et les filles), AlterSport is back in the game.

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