dimanche 25 octobre 2009

Sports et corruption : le rapport de Transparency International

L'ONG anti-corruption recense les 7 plaies du sport moderne : achat de matchs, mauvaise gouvernance, construction inconsidérée de stades, crime organisé, transferts opaques, sponsoring privé, et médias sous influence. Autant de portes ouvertes à l'argent sale.

Un vrai catalogue à la Prévert, ce rapport de Transparency International sur la corruption dans le sport. L'ONG basée à Berlin, spécialisée dans la dénonciation des pots-de-vin et autres traffics financiers, a publié en septembre une analyse de la corruption dans le monde du sport. C'est écrit dans un langage assez bureaucratique, dans cette novlangue qui caractérise les publications des institutions internationales, mais en lisant entre les lignes, le rapport de Transparency International fait froid dans le dos. Commentaire de texte.

Commençons par le plus médiatique : l'achat de matchs, « match-fixing » en anglais. Transparency International note que les récentes affaires révélées par la presse (hand en Allemagne, foot en Belgique ou en Pologne) ont eu lieu dans des pays pourtant peu réputés pour leur haut degré de corruption. Sous-entendu : dans les pays ravagés par la corruption, l'achat de matchs est certainement monnaie courante. Et en France alors ? Notre beau pays, avec l'affaire OM-VA, a été pionnière en la matière... Et l'ouverture des paris sportifs en ligne, décidée de force par Eric Woerth et Bernard Laporte pour faire plaisir à leurs potes Partouche, Barrière, Lagardère and co, va certainement faire remonter la cote de notre Ligue 1 chez les parieurs des mafias asiatiques, expertes en matière de corruption d'arbitres et de joueurs!

Les stades ensuite... Eh oui, Transparency International révèle que de nombreux contrats de construction de stades donnent lieu à des pots-de-vin et des rétro-commissions. Sans blague! Info transmise à Rama Yade, Philippe Séguin et consorts, qui veulent creuser encore les déficits publics pour nous construire des nouveaux stades de foot. Et à Delanoé, dont le projet de Grand stade de rugby dans la capitale commence à sentir le roussi. Mais non, je suis mauvaise langue, il n'y a pas de souci à se faire, quand on connait la propreté des appels d'offres dans notre belle République exemplaire.

Continuons, continuons... Les transferts... Ah les transferts, un bon filon pour blanchir de l'argent via les commissions aux agents... Certes, la FIFA entame le commencement du début d'une amorce de régulation... En fait, pour l'heure, rien n'a changé, si ce n'est que les agents auront bientôt une jolie carte avec le logo de la FIFA dessus...

Plus inattendu, mais ô combien dans l'air du temps, le sponsoring sportif... Car Transparency International note que dans ce domaine règne la plus grande opacité! Et que les grands groupes qui sponsorisent champions (ex : Team Lagardère) ou événements sportifs (ex : Meeting Areva) pourraient, à l'avenir, utiliser leurs oeuvres de bienfaisance pour solliciter des passes-droits auprès d'hommes politiques... Ah bon, Lagardère, il ne se donne pas tout ce mal pour la beauté du sport?

Le meilleur pour la fin... Les médias. Et oui, les journalistes sportifs, qui manquent singulièrement d'indépendance, laissent filer la corruption... La presse sportive française, l'Equipe en tête, Daniel Bilalian et France Télés dans sa roue, serre la soupe du sport business. Elle ne jure que par la performance sportive, que par l'exploit et la victoire en bleu. Elle ne mène aucun travail d'investigation. Les grands média ont tué le Tour de France, le transformant en symbole du sport corrompu. Bien vu Transparency International, il ne fallait pas oublier les médias dans votre sombre tableau!

Le crime organisé, conclut l'ONG, profite de l'aubaine et s'intéresse de plus en plus au sport. L'une des causes profondes de la progression de la corruption, c'est la mauvaise «gouvernance» dont souffent nombres d'institutions sportives. Il faut comprendre par là que des sportifs sans autre référence que leurs records sur les terrains se retrouvent à diriger des clubs et des fédérations et à gérer des centaines de millions de dollars. Et ces fédérations refusent obstinément toute tutelle des autorités politiques... Vous l'aurez compris en lisant entre les lignes : Transparency International pense (comme nous) que le CIO est un repaire d'anciens sportifs incompétents qui vendent leurs votes, parfois tout à fait consciemment, à des lobbys industriels.

Il reste cependant un peu d'espoir... Bakchich rapporte que 48 personnalités du monde du sport, emmenées par le journaliste Declan Hill (élu, rappelez-vous, altersportif de l'année 2008!), ont enjoint le CIO à agir enfin contre la corruption. Lequel CIO vient de demander à une société privée suisse (International Sports Monitoring) de surveiller les paris liés aux compétitions olympiques. Une initiative certes modeste, mais à ma connaissance sans grand équivalent dans les autres compétitions sportives.
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mercredi 7 octobre 2009

Astana, son tramway, son pétrole et son écurie cycliste

La visite de Nicolas Sarkozy à Astana et le traitement privilégié d'Astana par l'UCI relèvent tous deux d'une RealPolitik malsaine.

Vous ne trouvez pas ça rigolo, vous, que l'affaire «Astana-équipe cycliste» éclate au moment même où Sarkozy est en visite express officielle à «Astana-capitale du Kazakhstan»? Coïncidence? Certainement. Mais l'amitié franco-kazakh est un point de plus en faveur de l'Union Cycliste International (UCI) et de tous ceux qui veulent laisser le Tour de France à l'abri des meilleurs contrôles anti-dopage. Explications.

On connait la passion de Sarkozy pour le cyclisme en général et pour le Tour en particulier. La comm' présidentielle, relayée cet été par Rama Yade, c'était «le Tour est éternel, les années noires du dopage sont derrière nous, le Tour est une fête populaire, il fait partie de notre patrimoine, blah blah blah». Il constitue surtout une vitrine touristique très lucrative. Ne cassons pas la poule aux oeufs d'or avec ces histoires de dopage.

Le scénario du Tour 2009 était couru d'avance (comme le duel Contador-Armstrong d'ailleurs, lui aussi storytellé bien avant le départ) : pas d'affaires de dopage pendant le Tour, et après le Tour un bras de fer judiciaro-médiatique entre l'AFD et les coureurs incriminés.

Il faut dire que l'UCI, d'après le rapport rendu public par l'Agence Française de Lutte contre le Dopage (AFLD), a cette année déployé tout son savoir-faire pour saborder la lutte anti-dopage. Les exemples de dysfonctionnement font florès: avant même le départ de l'étape, l'UCI aurait averti un coureur qu'il serait contrôlé à l'issue de tel contre la montre, alors que la règle stipule que l'enveloppe doit être décachetée 2 kilomètres avant l'arrivée ; les normes de conservation des échantillons n'ont pas été respectées... à dessein? ; et, plus grave encore, le rapport de l'AFLD pointe un «traitement privilégié» à l'égard d'Astana... Astana, l'équipe d'Armstrong et Contador justement... et du président-dictateur Nazarbaiev, nouvel ami de Sarko...

Alors, Sarko et Nazarbaiev ont-ils parlé cyclisme? Sûrement pas... Mais le point commun, dans ces deux affaires, c'est qu'elles relèvent toutes les deux d'une RealPolitik assez malsaine. Pour exploiter du pétrole et vendre un tramway, on ferme ici les yeux sur les droits de l'homme. Pour faire venir en France les fans de cyclisme hollandais et espagnols, on ferme là les yeux sur le dopage dans le Tour. Sarko et l'UCI partagent une même idée de la morale politique : faisons des affaires et du spectacle, et ne nous laissons pas emmerder par des valeurs comme l'équité sportive ou les droits de l'homme. Nazarbaiev, dictateur plein aux as et fan de cyclisme, est leur ami commun.
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samedi 3 octobre 2009

Pékin 2008, Sotchi 2014, Rio 2016 : cherchez l'erreur

Chicago, Rio, Madrid, Tokyo... vraiment cette année, le CIO était confronté, pour le choix de la cité olympique 2016 à un choix difficile : ne voilà que des villes situées dans des pays stables, démocratiques et dirigés par le centre-gauche!

C'est vrai que ces dernières années, le CIO avait donné pas mal de gages aux dictatures... Regardez ce qui se passe en Chine, chez les Ouigours comme au Tibet... Jacques Rogge, naïf ou cynique, voulait nous faire croire que les JO amélioreraient la situation des minorités et des droits de l'homme dans l'Empire du Milieu... Funeste erreur... Naïf ou cynique? Cynique.

Et puis Sotchi 2014! Là, le CIO avait frappé fort : choisir pour les Jeux d'Hiver une station balnéaire (!) symbolique de la corruption des élites russes et de l'impéralisme de Poutine dans le Caucase, c'était osé. Jacques Rogge and co l'ont fait.

Qu'on se le dise : le choix d'une ville olympique, c'est d'abord une affaire de gros sous et de diplomatie géostratégique (un peu comme l'Eurovision). Les droits de l'homme, les membres du CIO s'en foutent complètement. Samaranch et Rogge piétinent depuis 30 ans les valeurs de l'olympisme, alors pourquoi voudriez-vous qu'ils ne piétinent pas les droits de l'homme?

Moi je ne crois plus du tout au CIO, mais d'autres y croient encore un peu. Alors, encourageons les... Human Rights Watch, tenez, par exemple. L'ONG américaine des droits de l'homme vient de demander très officiellement au CIO de de créer un comité permanent pour le respect des droits humains dans les pays hôtes... Ca paraît bien la moindre des choses... Mais je crains personnellement qu'il faudra bien 15 ans au CIO pour se plier à cette demande.

Allez, arrêtons d'être mauvaise langue. Fêtons comme il se doit la victoire de Rio pour les Jeux 2016. En dansant la samba mondiale, de Lhassa et à Urumqi, en passant par Grozny.
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