vendredi 30 janvier 2009

Pelvoux, le village olympique qui résiste à l'envahisseur?

La candidature du village alpin, avec son low profile low cost, représente une occasion unique, pour la France, de proposer une nouvelle valeur olympique : la sobriété.

Le 21 janvier dernier, 4 villes françaises, candidates à la candidature pour les Jeux d'Hiver de 2018, ont passé leur grand oral devant le Comité Olympique français. La ville sélectionnée devra ensuite défendre les couleurs tricolores devant le CIO pour une sélection finale en 2011.

4 villes françaises donc, ou plutôt 3 villes et un village... Avec les mêmes mots-clé dans les 4 dossiers de candidature : "compaticité" (sic - les sites des épreuves sont proches les uns des autres), "accessibilité" (aux spectateurs et aux athlètes handicapés), "famille de l'olympisme" (la nomenklatura du CIO) et "développement durable" (des Jeux soi-disant propres)... A ce niveau de la présélection, tout est affaire de subtile communication. Essayons tout de même de décrypter...

Annecy, c'est la candidature d'une ville bourgeoise sûre d'elle. Ses principaux points forts sont le Lac éponyme et le Mont-Blanc pas trop loin et mis à toutes les sauces... et Annecy peut profiter du forfait de la candidature 2018 de sa voisine suisse, Genève. Dernier atout : la musique de leur clip, c'est les Stone Roses, ça rappelle des souvenirs... Bref, une candidature classique, un peu chiante, mais qui part favorite...

Grenoble
, c'est la candidature du non-sens écologique, puisqu'il s'agit de reconstruire une nouvelle fois des infrastructures sportives flambant neuves, celles des Jeux de 68 étant tombées en friche. Les écologistes locaux ont bien résumé leurs inquiétudes dans le logo ci-dessous...
Nice, c'est la candidature bling-bling, sur le modèle de Sotchi 2014. La capitale azuréenne, comme sa consoeur de la Mer Noire, est une station balnéaire, pas une station de ski! Premier hic pour Nice et son maire, Christian Estrosi : le Canard Enchainé a révélé que le webmaster de la municipalité avait abusé de Photoshop ; en page d'accueil du site web de la ville, il avait posté une photo panoramique de la baie des Anges avec un fond de cimes enneigées. Cimes en réalité invisibles à l'oeil nu, car inexistantes...

Et il y a Pelvoux. Oui, Pelvoux-Les Ecrins, dans les Hautes-Alpes. Vous ne connaissez pas ce village de 400 habitants? Moi non plus, enfin... jusqu'à récemment... Leur candidature, dénommée avec humour "et si on faisait les Jeux d'Hiver à la montagne?", n'est pas une blague. C'est la candidature des "Alpes du Sud", en opposition à Chamonix et Grenoble, déjà hôtes de Jeux par le passé... Alors Pelvoux joue à fond la carte de la fameuse"au-then-ti-ci-té" et, surtout, celle plus originale du "profil bas". La cérémonie d'ouverture aura lieu au bord d'un lac, sans construction de stade... Sympa le côté barbecue au bord du lac. Pelvoux, one point! Et plutôt que de bâtir toujours et encore des nouvelles infrastructures, on utilisera de préférence celles qui existent déjà dans la région, y compris les tremplins et la piste de bobsleigh de Turin 2006 (laquelle, soit dit en passant, n'a été utilisée que 2 fois depuis 2006...). Le recyclage transfrontalier, pas mal! Pelvoux, two points!

Il est intéressant de voir comment les médias traitent la candidature pelvousienne. Regardez donc le reportage du JT de 13h de TF1...


Et le petit sourire en coin de Jean-Pierre Pernaut à la fin du reportage, du genre "ils sont gentils et rigolos, mais un peu ridicules ces gars de Pelvoux"... Quoi!? Même Pernaut ne prend pas au sérieux cette candidature? Lui qui défend d'ordinaire les terroirs! Faudrait-il y voir une volonté implicite de décrédibiliser le dossier de Pelvoux, au profit de celui de Nice, dont le Maire (Estrosi) est un ami intime de Pernaut?

Alors Pelvoux peut-elle vraiment gagner? Ses chances sont minces, mais le contexte économique morose plaide en faveur de sa candidature frugale... Les Jeux Olympiques finissent déjà en temps normal en gouffre financier, alors en période de crise économique, n'en parlons pas! 4 ans avant l'événement, Londres 2012 est déjà dans le rouge, d'autant plus que, de toute évidence, Tony Blair, Sebastian Coe and co, ces filous, avaient (volontairement?) sous-estimé le budget qu'ils avaient présenté au CIO...

Autre élément favorable à Pelvoux : le Comité Olympique français est en pleine crise identitaire... Henri Sérandour, son président, est remonté à bloc depuis que Bernard Laporte a proposé de limiter à 2 le nombre de mandats électifs à la tête des fédérations sportives françaises. Sérandour en est à son 4ème mandat et il s'est senti légèrement visé par la critique! Dans ce contexte, la candidature atypique de Pelvoux, qui ne bénéficie d'aucun soutien de politiciens d'envergure, pourrait séduire un Comité Olympique qui souhaite marquer son indépendance du monde politique...

Soyons honnêtes, il y a tout de même un petit truc énervant dans la candidature de Pelvoux : ils nous rabâchent les oreilles avec un sondage réalisé par l'IFOP selon lequel "81% des Français" seraient favorables à ce que la candidature française aux JO d'hiver soit portée par "un village de montagne plutôt que par une ville"... sauf que le dit-sondage a été conduit non pas dans toute la France mais seulement dans la deuxième circonscription des Hautes-Alpes... Bravo Pelvoux, bel exercice de mauvaise foi, joli coup bas... Et des coups bas, c'est connu, il en faut pour gagner l'organisation des JO...

Si j'étais membre du Comité Olympique français, je voterais tout de même Pelvoux à main levée. Bien sûr leur candidature est un immense coup de pub... mais je me suis laissé séduire... Après des années de mégalomanie et de gigantisme au CIO, des années d'affairisme et de corruption pour l'octroi des Jeux, Pelvoux et son low profile low cost représentent une occasion unique, pour la France, de proposer une nouvelle valeur olympique : la sobriété. Lire la suite...

mercredi 28 janvier 2009

Belem 2009 : beaucoup d'altermondialisme, un peu de sport

C'est hier à Belem au Brésil, que s'est ouvert le Forum Social Mondial, le pèlerinage annuel altermondialiste... Et je suis content de vous annoncer que quelques événements sportifs sont programmés cette année.

C'est une ONG intéressante, l'International Platform on Sport and Development, qui va sensibiliser un peu les altermondialistes à la question sportive. Il y a du boulot, car le sport suscite souvent chez les gauchistes davantage de dédain que d'intérêt. Course pour les droits et la solidarité, atelier sur la non-discrimination dans le sport... le programme est léger mais assez alléchant!

Des activités sportives « auto-gérées » et « non-structurées » sont également programmées par une ONG italienne, l'Unione Italiana Sport Per Tutti... De quoi s'agit-il? De développer le «sport pour tous»... Vaste programme... Concrètement, à Belem, il s'agira de mélanger les équipes, de faire découvrir des sports alternatifs et minoritaires, de jouer pour le plaisir et pas vraiment pour gagner...

L'idée de mélanger les équipes sur un mode aléatoire est originale... Et si on l'appliquait à l'UEFA? Si on tirait au sort, en début d'année, les transferts de joueurs? Combinée au 6+5, cette mesure permettrait certainement de remettre un peu d'équité sportive dans les compétitions européennes. Messi aux Young Boys de Berne et Drogba à Tampere United, ça pourrait être rigolo, non? Allez, le Forum Social Mondial dure à peine une semaine... Une semaine de délire utopique par an, on a le droit, non?
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jeudi 22 janvier 2009

Le télé-arbitrage contre les trucages des matchs ?

Cette semaine s'ouvre le procès de Luciano Moggi, l'ancien directeur général de la Juve accusé d'avoir corrompu des arbitres du Calcio pendant des années. L'occasion de réfléchir aux moyens de réduire les risques de trucages de matchs... Jean-Marc Guillou, à ce sujet, fait une proposition étonnante : l'ancien joueur pro, réputé pour ses académies éponymes en Afrique, recommande que l'arbitre du centre soit remplacé par un télé-arbitre désigné cinq minutes avant le match! Dans ces conditions, cet arbitre serait bien difficile à corrompre. Le télé-arbitre disposerait de plusieurs écrans vidéos et arbitrerait le match à distance sur la base des images diffusées. Et ses assistants, sur le terrain, ne feraient que transmettre ses décisions aux joueurs. Drôle de dispositif, non? Très high-tech, très cyber-virtuel, pas idiot, même si le spirit of the game pourrait être altéré par de multiples arrêts de jeu... Mais bon, why not? Peut-être devrait-on demander à Luciano Moggi ce qu'il en pense... Lire la suite...

lundi 19 janvier 2009

Les Emirats, prochain Eldorado du sport-business?

La lutte de prestige entre rois et émirs s'exporte dans l'univers du sport.

C'est à une drôle de guerre économique que se livrent l'Arabie Saoudite et ses émirats voisins depuis plusieurs années : alors que la famille royale saoudienne a la tutelle sur la ville sainte de la Mecque, une rente politique et économique pour le moins durable, Dubai, Abou-Dhabi et le Qatar bâtissent des modèles de développement assez originaux. Dubai construit une capitale mondiale du bling-bling, le Qatar un îlot de libéralisme politico-médiatique, et Abou-Dhabi une ville placée sous le signe des savoirs et de la culture. Mais bien sûr, cette lutte de prestige entre rois et émirs s'exporte dans l'univers du sport, avec des modèles, dans ce domaine, eux aussi assez différents.

Le Qatar d'abord. Capitale : Doha. L'Etat connu pour financer, entre autres, la chaîne d'infos Al-Jazeera, ne cache pas ses ambitions politiques : être le premier Etat arabe à organiser les Jeux Olympiques. Et pour parvenir à ses fins, le cheikh Hamad bin Khalifa Al Thani a misé sur un modèle de développement qu'on qualifiera de « relativement endogène » : « endogène », car il s'agit de développer les capacités sportives locales... mais « relativement », car, comme dans d'autres secteurs dans cette région du monde, le développement sportif qatari s'appuie quasi exclusivement sur une main d'oeuvre qualifiée étrangère. Dans les années 90, le Qatar a ainsi essayé de valoriser son championnat de foot en offrant des retraites dorés aux anciennes gloires européennes et latino-américaines (Desailly, Leboeuf, Batistuta etc). Semi-échec : les clubs qataris n'attirent en réalité que les parias du foot européen. La stratégie qatarie, ambitieuse, visait aussi à naturaliser des sportifs étrangers de haut niveau qui, pour une raison x ou y, n'étaient plus en odeur de sainteté avec leur fédération nationale. Dans le foot, Doha a ainsi cherché à bâtir une équipe nationale en proposant la nationalité qatarie à des footballeurs étrangers qui restaient aux portes de leur sélection nationale. Projet avorté en raison de l'opposition de la FIFA. Mais en athlétisme, cette politique a eu plus de succès : plusieurs athlètes kenyans ont ainsi déjà couru sous les couleurs qataries, à prix d'or. Et le Qatar, même s'il a fait chou blanc à Pékin, a gagné plusieurs médailles dans les Championnats du monde d'athlétisme.

A Dubai, c'est à l'éclosion d'un autre modèle qu'on assiste : un projet immobilier mégalo, dénommé Dubai City Sports, avec appartements de luxe et infrastructures sportives accueillant des matchs de gala (un stade, un gymnase, un terrain de cricket et un terrain de hockey sur gazon). Cricket et hockey sur gazon ? On dirait que le public ciblé par ce resort est la bourgeoisie indo-pakistanaise... Mais ce modèle de développement du sport-spectacle est mal barré : avec la crise immobilière, peu de chances que les appartements de Dubai continuent à se vendre à prix d'or...

Abou Dhabi, de son côté, est plus prudente. Là-bas, on se la joue simple et classique : recycler les pétrodollars dans des équipes sportives européennes qui ont fait leur preuve. La prise de contrôle de Manchester City par Cheikh Mansour bin Zayed Al Nahyan, le frère du chef de l'Etat, a certes heurté les consciences britanniques. Le Labour s'en est même ému. D'autant plus que City n'hésite pas à déstabiliser ses adversaires en annonçant des transferts hors du commun pendant le mercato (Kaka, David Villa). Mais, à ce jour, aucune mesure politique n'a été adoptée Outre-Manche pour restreindre la prise de contrôle de grands clubs par des fonds du Golfe Persique...

C'est dans ce contexte qu'on apprend que Roman Abramovich, le milliardaire russe propriétaire de Chelsea, cherche à vendre le club à la famille royale saoudienne... Car encore une fois, la dynastie Al Saoud est à la traîne. Et elle se rend certainement compte qu'elle est train de passer à côté de quelques juteuses affaires... Alors, pour taper fort, Riyad lorgne du côté des Blues.

La vente de Chelsea aura-t-elle lieu? Peut-être pas dans les semaines à venir... Mais il est probable que, faute d'une politique nationale de contrôle des clubs, plusieurs équipes de Premier League tomberont bientôt dans le giron des émirs du pétrole, les seuls, à l'heure actuelle, capables de reprendre un joujou comme Chelsea estimé à 890 millions d'euros! Le temps des oligarques russe semble révolu!

Les pays du Golfe se positionnent donc petit à petit comme des acteurs financiers de premier plan du sport professionnel. Sans athlètes nationaux ou presque. Mais rassurez-vous, la France a un atout de poids : le fils du président, Louis Sarkozy, qui vit avec sa maman à Dubai. Allez Cécilia, il est temps d'inscrire Louis à une école de foot de Dubai! Avec un peu de chance, et l'ambition de son père, il fera peut-être carrière dans les Emirats, prochain Eldorado du sport-business.
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jeudi 8 janvier 2009

Red Bull, la World Company du football

On sent poindre un véritable mouvement de fond dans les clubs : la création d’équipes-filiales à l’étranger pour conquérir des marchés émergents et optimiser l’utilisation de la main d’oeuvre.

Vous connaissez le Red Bull Salzburg ? Il ne s’agit pas d’un nouveau cocktail, mais d’un club de foot…Eh bien figurez-vous que le Red Bull Salzburg est un club visionnaire, il préfigure ce que sera le foot pro de demain… Explications.

Il était une fois, au début des années 2000, un club de foot moyen dans une ville moyenne d’une nation moyenne du foot mondial. L’Austria Salzburg avait bien connu son heure de gloire en 1994 à l’occasion d’une finale de Coupe UEFA perdue face à l’Inter de Milan, mais il sombrait depuis dans les bas-fonds du prolétariat footballistique européen.

Il était une autre fois une firme autrichienne désireuse de conquérir de nouveaux marchés. La société Red Bull avait besoin à cet effet de se débarrasser d’une sale image de marque : on disait que sa boisson n’apportait aucun bénéfice sur la santé ; pire, chez les jeunes, le Red Bull était utilisé était comme adjuvant aux alcools forts afin de maximiser la durée de leur effet ! Red Bull décida donc d’investir à fond dans le sponsoring du sport, car le sport, c’est bien connu, c’est la santé.

Red Bull racheta l’Austria Salzburg en 2005, le rebaptisa Red Bull Salzburg et fit construire un nouveau stade de 30.000 places, le Red Bull Arena. En 2006, Red Bull acheta aux Etats-Unis l’équipe de soccer des MetroStars, lesquels devinrent donc les Red Bull New York. Il y a tout juste un an naissait la Red Bull Academy à Sogakope au Ghana. C’est quoi la suite de cette saga ? La création d’un championnat mondial des équipes Red Bull ? En tout cas, l’empire footballistique Red Bull s’étend. Il organise aujourd’hui un véritable commerce triangulaire de joueurs, de capitaux et de supporters entre l’Afrique, les Etats-Unis et l’Europe. Il s’agit de contrôler l’ensemble de la filière foot et d’optimiser au maximum le parcours des joueurs : en caricaturant, on pourrait dire que les joueurs ont une formation low-cost délocalisée en Afrique ; qu’ils rejoignent en début ou en fin de carrière l’équipe réserve de New York pour y faire leur armes et surtout pour conquérir le marché émergent du soccer US ; et qu’au sommet de leur carrière, ils sont admis dans l’équipe fanion de Salzburg. Ca c’est de la gestion des ressources humaines !

Les résultats sont déjà au rendez-vous. Red Bull Salzburg est champion d’Autriche 2007, dauphin en 2008. Red Bull New-York est finaliste 2008 du Championnat US. Et au Ghana, la Red Bull Academy est en passe de devenir la principale pépinière des jeunes talents ouest-africains.

Alors aujourd’hui, fort de ces succès, le modèle Red Bull fait école auprès des grands clubs européens ! Voilà que le Barça envisage lui aussi d’ouvrir une filiale à Miami ! Bon le Barça de Miami sera au Barça catalan ce que la Logan, chez Renault, est à la Velsatis. Une version low-cost délocalisée en quelque sorte. Mais il aura la « griffe » Barça. Et ce n’est pas rien !

On sent poindre un véritable mouvement de fond : la création d’équipes-filiales à l’étranger pour conquérir des marchés émergents et optimiser l’utilisation de la main d’oeuvre. Le danger ? Que les clubs de demain, pilotés par des enseignes commerciales (Red Bull, Emirates, Allianz…), se constituent en véritables multinationales. Les clubs de foot de l’avenir ne seraient plus du tout ancrés dans le « local » (une ville, une communauté) mais totalement dans le « label » (au mieux une griffe ou un style, au pire une simple marque).

Un motif d’espoir ? Certains fans de l’Austria Salzburg, mécontents que leur équipe soit rachetée et renommée par Red Bull, on décidé de refonder l’Austria Salzburg… qui a du redémarrer en septième division autrichienne et qui vient de monter d’un échelon ! Bonne chance les gars, la Ligue des Champions, c’est pour 2015 !
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