mercredi 31 décembre 2008

Alter-Top Five : les 5 faits marquants du sport mondial en 2008

Le journaliste canadien Declan Hill est élu AlterSportif de l'année 2008.

Joyeuses fêtes, fidèles Alternautes. Comme tous mes confrères bloggueurs sportifs, je vais moi aussi exécuter la figure imposée de cette fin d’année, à savoir mon classement des faits sportifs les plus marquants en 2008. En avant pour l’Alter-Top Five 2008 !

1) Marion Jones purge une peine de 6 mois de prison

Enfin une victoire pour la lutte anti-dopage aux Etats-Unis, après des années d’impunité pour les tricheurs. Marion Jones écope de 6 mois ferme, non pas pour faits de dopage, mais pour parjure. Outre-Atlantique, on ne rigole pas avec les serments solennels… Marion purge sa peine en silence et, il faut le souligner, avec une certaine dignité. Elle a perdu ses médailles, mais, à mon sens, elle a retrouvé son honneur.

2) Lance Armstrong et les autres cyclistes dopés remontent en selle

Si l’athlétisme commence à faire son ménage (j’ai bien dit « commence »), le cyclisme, lui, fait un joli rétropédalage. Deux faits marquants en 2008. D’abord chez ASO, la société propriétaire du Tour de France, la lutte des clans tourne à l’avantage des « laxistes ». Ensuite, étrange coïncidence, Lance Armstrong, l’athlète symbole du négationnisme du dopage, annonce son come-back. Lance participera au Tour 2009. Aussitôt l’Union Cycliste Internationale accepte de renier ses nouvelles règles anti-dopage pour lui permettre de participer préalablement au Tour d'Australie. Quelle mascarade ! Mais Armstrong n’est pas seul : on annonce pour 2009 les retours d’Ivan Basso, de Rasmussen, de Vinokourov et même de Floyd Landis.

3) La flamme olympique ne brille plus

L’image symbole qui restera de ces JO de Pékin, c’est certainement cette flamme éteinte par un security officer chinois à Paris, sous les yeux ébahis de David Douillet… Dans cette affaire, le comité olympique français s’est totalement ridiculisé… Rappelez-vous, certains athlètes français voulaient porter un badge « Pour un monde meilleur » à Pékin… ça ne mangeait vraiment pas de pain… mais le comité olympique français, véritable poule mouillée, l’a refusé à nos athlètes. La honte ! Et bravo à Reporters Sans Frontières pour leurs actions coup de poing, même si je pense qu’il était tout à fait légitime que Pékin organise les Jeux 2008.

4) Les athlètes chinois sont des esclaves

Aux débuts des JO, aux temps de Coubertin et consorts, l’amateurisme était la règle. Puis vint, après guerre, le professionnalisme. Eh bien voici venu le temps de… l’esclavagisme ! Et les Chinois ont une longueur d’avance sur les nations occidentales dans ce domaine. Repérage systématique dans les écoles primaires d'enfants présentant du potentiel, enrôlement forcé de ces enfants dans les clubs, entraînement ultra-intensif, sélection d’enfants dans des compétitions internationales interdites aux moins de seize ans. Les Chinois n’ont reculé devant rien pour atteindre haut la main leur objectif nationaliste : devancer les Etats-Unis au classement des médailles.

5) Matchs truqués : la fin de l’omerta

La parution de « Comment truquer un match de foot » du Canadien Declan Hill, a révélé au grand public un problème majeur : de nombreux matchs de foot pro sont truqués, à tous les échelons de compétition. La Coupe du Monde n’est pas épargnée. Les instigateurs de cette corruption sont en premier lieu les mafias asiatiques, qui blanchissent et font fructifier leur argent sale en pariant sur des matchs qu’elles truquent. Mais elles ne sont pas les seules coupables… Rappelez vous de Bernard Tapie et de l’affaire OM-VA ! Bravo à Declan Hill, à Denis Robert et aux autres journalistes qui ont le courage d’enquêter sur les trucages de matchs. Grâce à eux, certaines langues commencent à se délier. Pour moi, Declan Hill est vraiment l’AlterSportif de l’année !
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dimanche 21 décembre 2008

F1 : de moins en moins d’argent, d’écuries, de grands prix, mais de plus en plus de circuits !

La construction d’un nouveau circuit de F1 en Ile-de-France est un non-sens économique et écologique. Qu’importe : François Fillon, fan de sport auto, et Lagardère, grand ami du Président, en ont décidé ainsi.

Je ne sais pas si on doit s’en réjouir, mais là j’ai vraiment l’impression que le pronostic vital de la Formule 1 est comme qui dirait «engagé»… La F1 agonise sur fond de crise de l’industrie automobile… Honda, qui dépense tout de même la bagatelle 350 millions d’euros par an dans la F1, vient d’annoncer la fermeture de son écurie pour l’année prochaine. Du coup, Max Mosley, le président de la fédération internationale des sports automobiles, considère lui-même que si une nouvelle écurie, demain, jette l’éponge, le championnat de F1 ne sera plus « crédible ».

Cette incertitude n’empêche pas nos responsables politico-industriels de défendre la construction d’un nouveau circuit en Ile-de-France pour accueillir le GP de France 2010 ! (si d’ici là la F1 n’a tout simplement pas rendu l’âme). Après l’échec du projet Largadère-Prost-Disneyland à Marne-la-Vallée, Pierre Bédier, président du Conseil Général du 78, croit son heure venue. Il veut un Grand Prix dans les Yvelines ! Un premier projet de tracé de circuit, au cœur de Versailles, a été tenté il y a un an ou deux, sans succès. Etienne Pinte, maire de Versailles, un mec plutôt raisonnable, avait vite mis fin à ce délire…

Un nouveau projet a alors été lancé, du côté de Flins et des Mureaux, avec construction d’un circuit tout beau tout neuf au milieu de champs de culture bio ! Mais le maire de la petite commune limitrophe de Mezy-sur-Seine, épaulé par l’avocate Corinne Lepage, organise la fronde des riverains. Leur collectif « Flins sans F1 » fait pas mal de bruit. La presse en parle, et ils ont même ouvert un compte sur Facebook ! Trop tendance les écolos du sept-huit ! Et les riverains de Sarcelles, où se situe un projet concurrent de nouveau circuit en Ile-de-France, commencent eux aussi à se mobiliser ! AlterSport vous dit bravo !

La construction d’un nouveau circuit de F1 en Ile-de-France est en effet un véritable scandale, un non-sens économique et écologique. Qu’importe : François Fillon, fan de sport auto, et Lagardère, grand ami du Président, en ont décidé ainsi. Espérons que leurs projets sans queue ni tête finiront bientôt… en tête à queue…

PS : Petit rappel d’un précédent AlterPost : la France a déjà un circuit tout à fait adapté à la F1. Mais manque de bol, il est situé dans la Nièvre, à Magny-Cours, à 3 heures de Paris. La Nièvre, Bernie Ecclestone, l’argentier de la F1, ne veut plus y poser son hélico, il trouve que c’est trop loin et rempli de bouseux...
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jeudi 18 décembre 2008

Le sport français est-il macho ?

Le sport féminin français est déprimé. A qui la faute ? Au machisme ambiant de la société ? Ou à des causes plus systémiques ?

Il est de bon ton, en France, de se moquer du modèle américain, de son prétendu « communautarisme ». Pourtant, il y a bien un domaine où les Etats-Unis ont des leçons à nous donner : le sport féminin !
Les Américaines, aux derniers JO de Pékin, ont non seulement conservé leur titre en football et dominé de la tête et des épaules la compétition de basket, mais elles ont aussi créé la surprise en volley en arrachant l’argent. Au final, les Américaines ont totalisé 53 médailles, seulement 4 de moins que les Chinoises.

Côté Françaises, Pékin, c'était Waterloo morne plaine. 7 petites médailles. Soit à peine 17% de l'ensemble des médailles tricolores. Une situation qui devrait inquiéter notre sous-Ministre Laporte. On sait bien que ce qui l'intéresse lui, c'est les résultats, les médailles, les titres, les sacres. Pas l'éducation sportive populaire, non, mais plutôt l'élite. Eh bien l'élite féminine française est aujourd'hui mal en point. Les Flessel, Manaudou, Pérec et Mauresmo n'ont pas encore trouvé d'héritières.

Alors aidons Laporte à reconstruire le sport féminin français et jetons un œil outre-Atlantique, si vous le voulez bien. Là bas, dans les universités, qui constituent le creuset du sport d’élite, s’applique ce qu’on appelle le Title IX (prononcez title nine). C’est un amendement de non-discrimination voté en 1972. Il a en fait essentiellement été appliqué dans le milieu du sport universitaire. Le Title IX stipule que les hommes et les femmes doivent se voir accorder les mêmes opportunités de pratique sportive, à tous les échelons. Concrètement, pour la plupart des disciplines, le sport féminin est financé à même hauteur que le sport masculin. D’où, par exemple, la domination incontestée des Américaines dans le soccer mondial.

Et en France alors ? Un chercheur de l’INSEP, cité par la Croix, relève que la pratique sportive des Françaises serait globalement en recul, notamment dans les banlieues chez les adolescentes. Sous-entendu que le machisme ambiant dans les cités et l’influence grandissante d’un Islam conservateur imposeraient aux jeunes filles une pudeur incompatible avec une pratique sportive. C’est peut-être pas faux… Un colloque sera d’ailleurs organisé à ce sujet à Aubervilliers en janvier...

Mais le machisme de la société est un coupable un peu facile... Car chez le spectateur le sport féminin a le vent en poupe. Tennis, hand, athlé, judo : nombreuses sont les disciplines où la compétition féminine internationale, jugée plus gracieuse que la masculine, a acquis au fil des ans ses lettres de noblesse télévisuelles.

Il faut plutôt chercher des causes systémiques à la dépression du sport féminin français. Du côté des dirigeants et des entraîneurs, peu de places sont en effet laissées aux femmes. En France, seulement 14% des cadres techniques sportifs sont des femmes, selon l’INSEP.

Et regardez les principales fédérations. En connaissez-vous une qui ait déjà été dirigée par une femme ? Foot : Jean-Pierre Escalettes ; basket : Yvan Mainini ; hand : Joël Delplanque ; athlétisme : Bernard Amsalem ; natation : Francis Luyce ; judo : Jean-Luc Rougé. Et tous ces mâles bien blancs, et d’autres encore, forment ensemble notre Comité National Olympique. Avec le succès qu’on lui connaît. Alors rêvons... d'une nouvelle présidente, en lieu et place du vaillant Henri Serandour... Cela ferait peut-être le plus grand bien au Comité Olympique Français, un peu comme au Medef… Si une femme (Laurence Parisot) a réussi à détrôner le Baron Sellières, il est temps qu’une femme, enfin, succède aux mâles héritiers du Baron de Coubertin…
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mardi 9 décembre 2008

Eperviers du Togo : la chasse est ouverte

L’affaire Avlessi, avec ses zones d’ombres, confirme que les petites nations d’Afrique sont une proie facile pour les tricheurs du foot mondial.

Ce 9 décembre, c’est la journée mondiale de lutte contre la corruption. J’ai du mal à choisir un exemple pour illustrer l’importance de ce fléau dans le sport moderne… Corruption des membres du CIO pour l’attribution des JO (corruption avérée pour les Jeux de Salt Lake City, corruption soupçonnée pour quasiment tous les autres JO sous Samaranch)… Corruption des juges de patinage artistique (ou plutôt « arrangements » entre voisins géographiques)… Le choix est si vaste…

Ces faits sont déjà largement documentés et je préfère donc évoquer aujourd’hui, sur ce sujet sensible et polémique, le sort d’un petit pays de football dont on parle peu : le Togo, classé 121ème sur 180 au classement international de la corruption publié par Transparency International et 91ème sur 207 au classement FIFA.

Pourquoi le Togo ? Car une guerre des clans, sur fond de scandale de trucage de match, fait rage au niveau de la Fédération Togolaise de Football (FTF)… 3 fortes têtes briguent le fauteuil de Président de la Fédé…

Rock Gnassingbé d’abord. Ancien Président de la FTF au moment de la qualification historique du Togo pour la Coupe du Monde 2006, Rock n’est autre que le fils du défunt Président de la République (Gnassingbé Eyadema, grand ami de Mitterrand et de Chirac) et donc frère du présent Président de la République (Faure Gnassingbé, bon pote de Sarko). Vous m’avez suivi ? Retenez que Président de la Fédé de foot, au Togo, est un poste hautement stratégique : les plus hauts membres du clan Gnassingbé/Eyadéma, au pouvoir au pays depuis 1967, cherchent à s’y placer ! Le principal problème de Rock, c’est qu’il était aussi en poste lors du calamiteux Mondial 2006 et qu’il n’avait pas pu enrayer la descente aux enfers des Eperviers : démission de l’entraîneur Otto Pfister quelques jours avant le premier match face à la Corée du Sud, menace de grève des joueurs en plein Mondial, résultats sur le terrain catastrophiques, soupçons d’émigration clandestine de faux supporteurs togolais en Allemagne etc. La seule chance de gagner aujourd’hui pour Rock ? Emerger en homme providentiel, après une lutte fratricide entre les 2 autres candidats.

Le favori est l’actuel Prési, et candidat à sa propre succession, l’illustre Tata Avlessi. Homme d’affaires dans le civil. Originaire d’un tout petit village, Masseda, où il a fait construire un stade de plusieurs milliers de places ! L’Union Sportive de Masseda, son joujou, est une espèce d’Hoffenheim togolais. Tata Avlessi a les faveurs des stars l’équipe nationale : Emmanuel Adebayor a même refusé récemment de jouer un match amical avec les Eperviers au prétexte qu’Avlessi n’était pas présent dans les tribunes. Le problème, c’est que Tata Avlessi est le principal accusé dans une sombre affaire de corruption de match. Les faits se déroulent en 2007 à Lomé. Il s’agit du match Togo-Tunisie de la CAN des moins de 17 ans. Tata Avlessi aurait fait remettre la somme de 1.100.000 CFA (à peine plus de 1500 €) à l’arbitre gambien du match pour que celui-ci aide le Togo à gagner. Somme remise par l’intermédiaire d’un arbitre togolais, magistrat dans le civil ! Manque de pot, le Togo a perdu le match, en plus l’arbitre gambien en a parlé à son assistant et l’affaire est remontée jusqu’à la Confédération Africaine de Football (CAF), laquelle a suspendu Tata Avlessi de ses fonctions de Président de la FTF. Tata a fait appel auprès du Tribunal Arbitral du Sport de Lausanne. Il se dit victime d’une machination, d’un règlement de comptes de ses opposants à la FTF. Compte tenu de la confusion de la situation et des vices de procédures successifs, il a été rétabli dans ses fonctions. Il faut lire le PV du Tribunal. Les faits sont rocambolesques. Des enveloppes de billets atterrissent dans une chambre d’hôtel, des témoins se contredisent, reviennent sur leurs propos… On est en plein film de gangsters. Tout ça pour à peine 1500 € et un match de poule de CAN des moins de 17 ans, rappelons le.

Dernier challenger en lice : Ameyi Komlan Gabriel, actuel Vice-Président de la FTF. A Lomé, on dit qu’il tire de nombreuses ficelles. Un homme de l’ombre en quelque sorte… C’est l’ennemi juré de Tata Avlessi. Il espère bien cette fois ci occuper le fauteuil de Président de la Fédé, après Rock et Tata…

Pour bien comprendre les tenants et les aboutissants de cette lamentable lutte de clans, sur fond de corruption, il faudrait en fait, pensent certains, regarder du côté de la Confédération Africaine de Football. Tata Avlessi est en effet un soutien de l’Ivoirien Jacques Anouma, principal challenger d’Issa Hayatou, l’inamovible président camerounais de la CAF. Les prétendues manœuvres contre Tata Avlessi, pensent de nombreux observateurs à Lomé, seraient dirigées par l’actuel patron du foot africain, qui jouit d’un pouvoir sans partage, à tel point qu’aucun autre candidat ne se présentera contre lui lors du renouvellement des instances de la CAF en 2009.

Vous avez compris ? C’est pas simple le foot togolais, c’est un peu comme la politique de ce pays, ça manque singulièrement de transparence démocratique.

Si tout se passe bien, résultat des urnes le 18 janvier. Mais la semaine dernière, la FIFA a contesté les listes constituées par les candidats, car certains soutiens figuraient sur plusieurs listes à la fois… Le nouveau Président de la FTF aura en tout cas fort à faire. Pour l’instant, les Eperviers sont sans entraîneur. Sans entraîneur, mais avec pas moins de 3 dirigeants prêts à s’entretuer pour s’asseoir sur le pactole de la Présidence de la Fédération.

En 2006, quelques jours avant ce fameux France-Togo, décisif pour la France, et sans enjeu pour les Eperviers, des amis togolais m’avaient expliqué qu’il n’y aurait pas de match. Que le 2-0 nécessaire à la qualification des Bleus était écrit d’avance. On ne parlait que de ça dans les restos de Lomé, aux "Brochettes de la Capitale", au "Fifty-Fifty" ou ailleurs... Ca m’avait fait sourire. Mais récemment, le livre de Declan Hill sur le trucage des matchs du Ghana (voisin du Togo) à la Coupe du Monde m'a à nouveau fait douter... Et si France-Togo avait également été truqué ? Etait-ce possible ? Je ne veux même pas l’imaginer… L’affaire Avlessi, avec ses zones d’ombres, confirme en tous les cas que les petites nations d’Afrique sont une proie facile pour les tricheurs du foot mondial.

PS : sur la photo, je suis aux côtés de Miss Togo, rencontrée à Ouagadougou en décembre 2001 ! J’espère que son élection à elle n’avait été entachée d’aucun soupçon !
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vendredi 5 décembre 2008

6+5 : 27 voix pour, 1 contre, proposition rejetée

Les clubs des petits pays perdent leurs meilleurs nationaux. Et ils n’ont pas accès à un marché international des joueurs totalement dérégulé. Une seule solution s’ils veulent survivre dans le monde du football : en finir avec le libre-échange des joueurs.

Le 6+5 est presque déjà enterré. Les 27 Ministres des Sports de l’Union européenne, qui, le week-end dernier à Biarritz, en ont unanimement recommandé l'adoption, se sont vus opposer une fin de non-recevoir par la Commission européenne. Vladimir Spidla, Commissaire aux Affaires Sociales, leur répond ainsi dans une interview à Libération : l’Arrêt Bosman demeure la règle ; la libre-circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne s’applique aussi aux footballeurs ; il est illégal de tenter de limiter le nombre de joueurs étrangers dans les clubs européens. On en reparlera en 2012, conclut sèchement Vladimir Spidla.

Le 6+5 est pourtant salutaire : il s’agirait d’obliger chaque club de foot européen à aligner au moins 6 joueurs nationaux dans son 11 de départ. Car on en est loin : près de 60% des joueurs de Premier League sont étrangers. Et dans les 11 de départ, c'est souvent bien plus. Une évolution inquiétante... A tel point, entend-on Outre-Manche, que l’Angleterre ne serait pas parvenue à se qualifier au dernier Euro car trop peu de joueurs Anglais étaient titulaires dans de grands clubs… Ils manquaient de compétition au haut niveau. Bon… je ne sais pas si l’argument est encore valable, car les dernières performances de l’Angleterre dans les qualifs pour le Mondial sont plutôt bonnes…

Et puis de toutes façons, cet argument n’est pas le bon. Ce qui légitime le 6+5, c’est une question de justice sociale, de redistribution des richesses, de protectionnisme éclairé. Au profit des clubs des championnats européens les moins riches, qui ne sont plus du tout compétitifs au niveau européen. Dans une Europe du football aux mains des financiers, ils se font manger par les clubs anglais, italiens et espagnols, qui squattent sans opposition la Champions League depuis 10 ans. En 1991, l’Etoile Rouge de Belgrade gagnait la C1, plutôt avec la manière. Depuis, à l’exception du Zenith St-Petersbourg, financé par l’oligarchie russe aux méthodes douteuses (cf soupcons sur trucage de matchs), le foot de l’Est a quasiment disparu des coupes d’Europe. Pourquoi ? Principalement parce que les clubs de ces petits pays perdent leurs meilleurs nationaux. Et ils n’ont pas accès à un marché international des joueurs totalement dérégulé. Une seule solution s’ils veulent survivre dans le monde du football : en finir avec le libre-échange des joueurs. La méthode forte, enfermer les joueurs des petits pays dans leurs clubs nationaux, est à proscrire : trop Union soviétique, trop Fidel Castro, trop Brice Hortefeux. La méthode douce, nommée 6+5, est un bon compromis : elle met un bémol aux capacités des grands clubs européens à acheter des joueurs étrangers et elle limite ainsi la taille du marché des mercenaires du foot. Mais la Commission européenne, plus technocratique que jamais, a dit niet, circulez, y a rien à voir.

Il y a bien un projet alternatif proposé par l’UEFA : obliger chaque club européen à inclure dans les 25 joueurs de son groupe pro au moins 8 joueurs formés au club. La définition de « formés au club » ? Avoir été licenciés du club pendant au moins 3 années avant l’âge de 21 ans. La mesure n’est pas bête, et elle serait, paraît-il, conforme au sacro-saint principe de la libre-circulation des travailleurs dans l’UE. Elle a cependant un effet indésirable majeur : elle va généraliser cette nouvelle tendance des clubs anglais à acheter dès leur plus jeune âge des joueurs prometteurs du monde entier. Déjà, des papas sur le qui-vive postent les exploits footballistiques de leurs bambins sur YouTube en espérant un buzz et un futur recrutement dans un grand club européen. Plus concrètement, le jeune Marseillais Jérémy Boga, 12 ans, vient d’être transféré à Chelsea. Soi-disant que son père voulait s’installer à Londres… OK, cette pratique est peut-être conforme aux principes de libre-circulation des travailleurs, mais ne peut-on pas y voir un trafic d’enfants ? Après les mercenaires du foot, bienvenus aux enfants-soldats du foot !
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