vendredi 5 décembre 2008

6+5 : 27 voix pour, 1 contre, proposition rejetée

Les clubs des petits pays perdent leurs meilleurs nationaux. Et ils n’ont pas accès à un marché international des joueurs totalement dérégulé. Une seule solution s’ils veulent survivre dans le monde du football : en finir avec le libre-échange des joueurs.

Le 6+5 est presque déjà enterré. Les 27 Ministres des Sports de l’Union européenne, qui, le week-end dernier à Biarritz, en ont unanimement recommandé l'adoption, se sont vus opposer une fin de non-recevoir par la Commission européenne. Vladimir Spidla, Commissaire aux Affaires Sociales, leur répond ainsi dans une interview à Libération : l’Arrêt Bosman demeure la règle ; la libre-circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne s’applique aussi aux footballeurs ; il est illégal de tenter de limiter le nombre de joueurs étrangers dans les clubs européens. On en reparlera en 2012, conclut sèchement Vladimir Spidla.

Le 6+5 est pourtant salutaire : il s’agirait d’obliger chaque club de foot européen à aligner au moins 6 joueurs nationaux dans son 11 de départ. Car on en est loin : près de 60% des joueurs de Premier League sont étrangers. Et dans les 11 de départ, c'est souvent bien plus. Une évolution inquiétante... A tel point, entend-on Outre-Manche, que l’Angleterre ne serait pas parvenue à se qualifier au dernier Euro car trop peu de joueurs Anglais étaient titulaires dans de grands clubs… Ils manquaient de compétition au haut niveau. Bon… je ne sais pas si l’argument est encore valable, car les dernières performances de l’Angleterre dans les qualifs pour le Mondial sont plutôt bonnes…

Et puis de toutes façons, cet argument n’est pas le bon. Ce qui légitime le 6+5, c’est une question de justice sociale, de redistribution des richesses, de protectionnisme éclairé. Au profit des clubs des championnats européens les moins riches, qui ne sont plus du tout compétitifs au niveau européen. Dans une Europe du football aux mains des financiers, ils se font manger par les clubs anglais, italiens et espagnols, qui squattent sans opposition la Champions League depuis 10 ans. En 1991, l’Etoile Rouge de Belgrade gagnait la C1, plutôt avec la manière. Depuis, à l’exception du Zenith St-Petersbourg, financé par l’oligarchie russe aux méthodes douteuses (cf soupcons sur trucage de matchs), le foot de l’Est a quasiment disparu des coupes d’Europe. Pourquoi ? Principalement parce que les clubs de ces petits pays perdent leurs meilleurs nationaux. Et ils n’ont pas accès à un marché international des joueurs totalement dérégulé. Une seule solution s’ils veulent survivre dans le monde du football : en finir avec le libre-échange des joueurs. La méthode forte, enfermer les joueurs des petits pays dans leurs clubs nationaux, est à proscrire : trop Union soviétique, trop Fidel Castro, trop Brice Hortefeux. La méthode douce, nommée 6+5, est un bon compromis : elle met un bémol aux capacités des grands clubs européens à acheter des joueurs étrangers et elle limite ainsi la taille du marché des mercenaires du foot. Mais la Commission européenne, plus technocratique que jamais, a dit niet, circulez, y a rien à voir.

Il y a bien un projet alternatif proposé par l’UEFA : obliger chaque club européen à inclure dans les 25 joueurs de son groupe pro au moins 8 joueurs formés au club. La définition de « formés au club » ? Avoir été licenciés du club pendant au moins 3 années avant l’âge de 21 ans. La mesure n’est pas bête, et elle serait, paraît-il, conforme au sacro-saint principe de la libre-circulation des travailleurs dans l’UE. Elle a cependant un effet indésirable majeur : elle va généraliser cette nouvelle tendance des clubs anglais à acheter dès leur plus jeune âge des joueurs prometteurs du monde entier. Déjà, des papas sur le qui-vive postent les exploits footballistiques de leurs bambins sur YouTube en espérant un buzz et un futur recrutement dans un grand club européen. Plus concrètement, le jeune Marseillais Jérémy Boga, 12 ans, vient d’être transféré à Chelsea. Soi-disant que son père voulait s’installer à Londres… OK, cette pratique est peut-être conforme aux principes de libre-circulation des travailleurs, mais ne peut-on pas y voir un trafic d’enfants ? Après les mercenaires du foot, bienvenus aux enfants-soldats du foot !

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