lundi 27 octobre 2008

C’est la lutte (gréco-romaine) finale

Vacarme est une revue de philosophie politique fondée par des anciens de Normale Sup, proches des mouvements sociaux (sans papiers, mal logés, intermittents du spectacle etc). Vacarme fait paraître ce trimestre un dossier spécial consacré au sport. AlterSport, armé d’une bonne boite d’aspirine, a lu ces essais pour vous …Bon… en réalité, je n’ai lu que les parties accessibles sur leur site Web car je n’ai pas trouvé Vacarme chez mon kiosquier habituel, plus habitué à vendre L’Equipe aux fans de sport… Et je n’ai pas tout compris (à Vacarme, pas à L’Equipe). Mais j’aimerais quand même partager avec vous quelques morceaux choisis de l’édito (« Que du sport ») signé Vincent Casanova, Ariane Chottin & Pierre Zaoui.

D’emblée, les auteurs entendent « échapper à tous les dualismes (…) : sport-spectacle et sport-loisir, sport de compétition et sport éducatif ou ludique, sport professionnel et sport amateur, sport moderne et sport à l’ancienne, sports mondiaux et sports régionaux, sport adulte et sport enfantin ». En réalité, selon eux, « tous les termes de ces oppositions ne cessent de se nourrir l’un l’autre : on fait du cyclisme en amateur à condition de se prendre pour Merckx ou Hinault, comme on ne devient généralement sportif professionnel que parce qu’il y eut d’abord une joie gratuite à pratiquer son sport d’élection ; tout sportif de haut niveau a besoin de se dire à un moment ou à un autre que ce qu’il fait n’est qu’un jeu, comme tout simple amateur a besoin de se rêver parfois en professionnel pour se protéger justement de sa pure « passion du jeu » qui pourrait s’avérer encore bien plus dangereuse ». Le sport est, pour eux, davantage un langage, et rien d’autre que du sport. Un peu de la même manière que l’art, pour certains artistes, n’est que de l’art, qu’un langage codé et criblé d’autoréférences. (Camarades de Vacarme, corrigez moi si l’analogie avec l’art n’est pas pertinente, j’essaie de retranscrire l’essence de votre article, mais je ne suis pas certain d’avoir tout compris moi-même).

Le passage le plus réussi de leur papier, à mon goût, c’est quand ils dressent une typologie des contempteurs du sport (l’opposant « politique », l’opposant « philosophe » et l’opposant « dandy »). Nous fans de sport, évoluant dans des cercles parfois hostiles, combien de fois avons-nous dû faire face aux snobs, aux intellos et aux gauchistes assimilant le sport d’équipe au fascisme ? Cette critique, fatigante et aujourd’hui fatiguée, ne porte plus vraiment. Surtout, cette critique, prédominante et catégorique, a tué dans l’œuf toutes les tentatives de remise en question objective et nuancée du sport de haut niveau. C’est dommage.

En effet, s’il y a bien un domaine où la critique politique est restée ancrée dans les milieux intellectuels, c’est bien le sport… Le sport médiatisé, et en particulier les JO, ont certes été utilisés maintes fois par des athlètes pour porter des discours politiques. Mais les JO n’ont jamais (à ma connaissance) été le théâtre d’une critique du sport. Les athlètes qui voulaient porter un badge aux JO de Pékin se battaient essentiellement pour les droits de l’homme en Chine… Bien… Mais aucun athlète ne s’est élevé contre ce qu’ont incarné les JO de Pékin, une parade commerciale et chauvine, voire nationaliste.

Les grands absents d’une critique radicale du sport moderne sont les sportifs eux-mêmes : partie prenante du système, ils sont incapables de le remettre en cause.

A-t-on jamais vu un footballeur se plaindre qu’il est trop payé ? Steve Savidan, icône working class hero, était interviewé récemment dans le JDD : il reprenait à son compte de nombreuses critiques sur le foot pro, mais pas celle du salaire indécent.

Combien de cyclistes ont brisé l’omerta du dopage généralisé à l’EPO ? Ah si, il y a eu Christophe Bassons, mais qui se souvient de lui…

Combien d’athlètes refusent de prêter leur nom à une campagne de pub ? Même les frères Guenot, médaillés olympiques amateurs en lutte gréco-romaine, ont figuré sur la campagne de pub de leur entreprise, la RATP…

Critiquer le système, pour un sportif de haut niveau, reviendrait à le quitter, à foutre en l’air sa carrière, tant la pression est forte dans ce milieu pour ceux qui pensent de travers.

Il reste les supporters… Gardiens du temple, ils peuvent peut-être encore faire quelque chose pour sauver quelques valeurs du sport… On a bien vu des fans de Manchester United déchirer leurs abonnements après le rachat du club par des financiers américains, quelques passionnés de cyclisme dresser en bord des routes du Tour des pancartes « marre du dopage ». Mais le mouvement est encore balbutiant.

Amis de Vacarme, merci pour l’apport théorique. Il est temps de passer maintenant à l’action.

0 commentaires: