vendredi 14 novembre 2008

Rapport Besson : vive le business !

Il faut combler le retard de compétitivité des clubs français, écrit Besson. Et là, le Secrétaire d’Etat à la Prospective n’y va pas par le dos de la cuillère : tous les coups sont permis.

Le secrétariat d’Etat chargé de la prospective, de l’évaluation des politiques publiques et du développement de l’économie numérique (ouf…), c’est ce machin dirigé par Eric Besson, celui qu’on a appelé le « traitre » parce qu’il avait claqué la porte du PS en pleine campagne présidentielle pour rejoindre l’équipe Sarkozy. Et voilà que Besson vient de publier le rapport que lui a commandé Laporte sur la « compétitivité des clubs de football professionnels français ». Vu le personnage (politicien opportuniste, économiste), on ne pouvait pas attendre de Besson qu’il cherche à améliorer l’éthique du foot français. Non, c’est bien de business qu’il s’agit dans ce rapport, de gros sous et quasi uniquement de cela.

J’ai donc lu les 164 pages du rapport, c’est assez instructif. Vraiment, rien à dire sur la qualité technique de ce travail, c’est très pro, très HEC. Mais l’esprit qui l’anime est choquant. Explications.

Le foot français, écrit en substance Besson, est très régulé. La DNCG fait très bien son travail, trop bien presque… Parce que là-bas, chez nos voisins européens et en particulier Outre-Manche, les clubs ont bel et bien les mains libres pour lever des fonds privés, pour s’endetter, pour ne pas payer de taxes sur les salaires des joueurs, bref pour faire du n’importe quoi financier leur permettant d’acheter les meilleurs joueurs du monde… Et ça paie. Le cynisme du capitalisme appliqué au sport pro est ainsi expliqué par des économistes cités dans le rapport : « la régulation a été beaucoup plus légère en Italie, en Angleterre et en Ecosse qu’en France, et les clubs ont eu de ce fait davantage d’opportunités pour faire des erreurs (mais aussi pour rencontrer des succès). C’est peut-être là le paradoxe ultime en ce qui concerne la régulation et le management des ligues sportives. Les ligues les moins régulées ont dépensé plus que les autres en joueurs et ont donc connu plus de succès, comme par exemple les clubs anglais, italiens ou espagnols en Ligue des Champions. ». C’est malheureusement bien vrai. La faute, c’est les autres. Je ne nie pas ce constat. Tant que la Ligue anglaise ne sera pas devenue vertueuse, que la Commission européenne, au nom de « l’arrêt Bosman », continuera à interdire le « 6+5 » (6 joueurs nationaux minimum sur 11 au départ de tout match), et que l’UEFA n’imposera pas un « salary cap » uniforme au niveau européen (plafonnement des salaires de tous les joueurs de foot évoluant en Europe), le foot français restera peu compétitif… Le rapport Besson ne manque pas de rappeler qu’une régulation européenne, voire mondiale, du foot s’impose. Merci pour le rappel, ça ne mange pas de pain.

En attendant, il faut combler le retard de compétitivité des clubs français, écrit Besson. Et là, le Secrétaire d’Etat à la Prospective n’y va pas par le dos de la cuillère : tous les coups sont permis.

1) Premier chantier proposé par le rapport : la construction de stades modernes, propriétés privées des clubs, avec un maximum de loges VIP hors de prix, des billets plus chers pour tous, des boutiques, des hôtels, des feux d’artifice, de la pub partout, (jusqu’au nom même du stade, avec la pratique du « naming » façon Emirates Stadium). Aargh !!! Le sport-spectacle, moi ça me dit moyen, j’ai pas envie de voir des shows sportifs à l’américaine façon NFL.

2) Et on continue. Le rapport Besson souhaite poursuivre sur la voie de la baisse des charges sociales sur les salaires des joueurs, comme il est déjà possible de le faire partiellement via la DIC, récemment remise en question par un sénateur socialiste français. Aargh again !!! Après le bouclier fiscal et les 15 milliards de baisses d’impôts pour les ultra-riches, c’est carrément choquant !

3) Encore et toujours. Le rapport propose de redistribuer différemment les droits télés : moins pour la Ligue 2, moins pour les petits clubs, plus pour les « clubs locomotives » (non, pas le Lokomotiv Sofia, mais plutôt le trio PSG, OL, OM). Donner aux riches, quelle belle idée ! Déjà que la domination de Lyon sur le championnat français a tué tout intérêt à la Ligue 1, mais alors là, donner encore plus d’argent à quelques grands, ce serait clairement de l’iniquité sportive.

4) Renforcer, au sein des clubs, le rôle des « sociétés sportives », véritables entreprises, au détriment des « associations sportives ». Stop, stop, stop, sinon j’adhère au NPA de Besancenot.

5) Le meilleur pour la fin : faire profiter les clubs français de la manne financière générée par l’ouverture des paris en ligne sur le foot ! Eh oui car bientôt, en 2009, on pourra parier sur Internet sur les matchs de Ligue 1 ! Heureuse initiative, bon timing… alors que se multiplient les témoignages de corruption de joueurs, voire d’équipes entières, par des mafias internationales investissant dans les paris sur des matchs de foot en Europe…

On pourrait continuer longtemps. Le catalogue des mesures de dérégulation est impressionnant. Il permettra de « rassurer les investisseurs » et de les encourager à financer des grands clubs français. Bref, il s’agit de faire entrer le foot français définitivement dans le foot business déjà en vigueur chez nos voisins. Quelle alternative y a-t-il me direz vous ? Eh bien… continuer à perdre tout simplement, à jouer les seconds couteaux en Ligue des Champions. Et montrer l’exemple d’une régulation radicale pour pouvoir l’imposer enfin aux Anglais et aux Espagnols.

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